Patient n° B137 3847
Nom: Shay Christabel Clayton
Date d'admission: 04/12/12

Entretien du 05/12/12

Vous attendez de moi que je vous raconte ma vie, hein? Vous voulez que je vous dise tout ce qu'il s'y est passé, que je vous conte la triste histoire de Shay Clayton, avec tous les détails pour alimenter votre saloperie de catharsis? Après tout, c'est ça qu'on attend de moi, c'est ça qu'on attend de nous tous pas vrai? Vous comptez pioncer pendant deux heures, le temps que j'ai fini, pour vous dire qu'il y a pire et me dire que je suis gouine à cause de je ne sais quel traumatisme dont je suis pas foutue de me rappeler. C'est ce que vous faites toujours. Vous servez à rien en fait, juste à essayer de nous avoir avec votre connerie de ton mielleux pathético-compatissant, de nous faire perdre notre temps pour pouvoir nous bourrer de médocs et nous enfermer... Vous voulez pas vous remettre à la lobotomie, des fois? Nan? ... Putain, vous pourriez répondre au moins. C'est pour me faire parler, c'est ça? Vous savez quoi, vous me pétez les ovaires avec votre éternel silence prétendument "compatissant"... J'peux cloper au moins? ... Eh oh? Super. J'adore votre sens de la répartie, d'ailleurs je vais me la fermer maintenant, et je vais vous écouter. Vous m'avez l'air en pleine conversation avec votre blouse blanche à la con.

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Vous en avez pas marre, sérieux ? Je vous dirai rien sur moi. Rien du tout. A moins que vous ne me laissiez fumer. Et baiser l'infirmière de nuit aussi. La rousse. Elle est bonne.

Entretien du 06/12/12

Bon. Je suppose que je dois vous parler maintenant, alors. Vous voulez quoi?
Racontez-moi votre enfance, je vous prie.
Vous êtes vachement cliché. Vous préférez pas la première fois où j'me suis envoyée en l'air? Franchement, c'est plus sympa. J'avais genre, 13 ans, et..
Dans le cendrier, la cigarette. Pas sur la moquette.
Bordel... Alors qu'est-ce que vous voulez que je vous dise sur ma putain d'enfance? Tout? Ma mère était une pute, elle a fait une overdose, elle y restée. Quoi de plus ?
Votre père, peut-être?
Un père? QUEL père? J'vous ai dit que ma mère était une pute, c'est pas assez explicite? Un jour elle a pété un câble, elle a pris une dose de trop, et salut la compagnie. Vous comprenez, vous, qu'on puisse être égoïste à ce point-là ? J'avais même pas 6 ans, merde. Qu'est-ce que vous croyez qu'on ressent quand pendant 6 ans on voit sa mère se taper tous les péquenots du coin pour un malheureux petit billet qu'elle mettra dans sa came plutôt qu'un repas correct pour sa gosse? Et pire. Qu'est-ce que vous croyez qu'on ressent quand cette même personne, ce même fantôme, vous largue face au monde merveilleux de la DDASS? Pas grand chose. Juste de la colère, de la haine et de l'incompréhension. Elle avait pas le droit de me donner un début de vie aussi médiocre et surtout, surtout, elle avait pas le droit de me le reprendre, mais elle l'a fait. Au fond c'était une salope, 'savez?
Que s'est-il passé après?
J'ai été envoyée à la DDASS. Puis dans une famille d'accueil, j'y suis restée un an et demi. Le temps qu'ils s'aperçoivent que le fils aîné prenait des photos quand j'étais dans la douche. Encore une autre, 2 ans. Après ils ont eu leur gosse et se sont débarrassés de moi. La suivante, ça a duré 3 ans. Jusqu'à ce qu'il ne veulent plus de moi parce que j'avais dessiné un pentacle sur le mur de l'école catho où ils m'avaient envoyés. Celle d'après j'y suis restée 4 ans. C'était le bonheur, je prenais des cours de guitare électrique et de violoncelle. Ils m'ont virée quand ils se sont aperçus j'avais commencé à baiser leur fille six mois après mon arrivée, donc 3 ans et demi plus tôt. Je crois bien qu'ils l'ont virée aussi, d'ailleurs. M'enfin, j'ai passé le reste dans un foyer merdique et on m'a relâchée à 18 ans. J'ai bossé chez McDo pendant plusieurs bonnes années avant de me trouver une place comme serveuse dans un bar lesbien, et une coloc par la même occasion. Et j'ai commencé la photo, j'me suis payé le matos, le studio. J'me suis tapé des bénévoles puis des modèles. Spécialisée dans le nu féminin. Ca évite d'avoir à virer leurs vêtements, m'voyez. Ca roulait plutôt bien pour moi, j'me suis achetée ma propre gratte et mon propre violoncelle et j'rendais les voisins fous. Enfin la musique classique ils tenaient mais les riffs volume 666 à 2h du mat', beaucoup moins.Et quand c'était pas ça, j'faisais gueuler des nanas. Et puis un jour je l'ai rencontrée. Elle. Alice.
C'est elle qui vous a amenée ici, c'est ça ?
Yep. Quelle pute. Je l'aimais pourtant, vous savez. Ca m'empêchait pas de baiser à droite à gauche, mais je l'aimais. C'était cool. C'était... avant.
Et ensuite?
Ensuite.. ça a commencé.
Les hallucinations?
Oui. Elles me hantent. Toutes ces femmes.. Déchirées, putréfiées, elles hurlent, elles veulent me tuer! Leurs cris me torturent, elles sont folles de rage, je ressens leur haine et leur douleur.. Elles m'auront, un jour. Je le sais, je le sens.. Ces horreurs qu'elles disent, qu'elles font... Leurs entrailles qu'elles s'entre-arrachent et qui repoussent sans cesse, je ne peux plus les voir! Je ne veux plus les entendre!!! Elles me tueront ! ELLES SONT LA, ELLES ARRIVENT POUR ME PRENDRE! AAAAAAAAAAAAH!

Un calmant a été administré à la patiente. Elle a été reconduite dans sa chambre. Un nouvel entretien aura lieu le 08/12/12.

07/12/12 : La patiente a été retrouvée morte. Il semble qu'elle se soit suicidée en s'arrachant les veines des poignets avec les dents.

I woke up from a driven coma. Around me bewildered glances, stunned by fear. Ghosts with bruised bodies, faces obscure and sting who don't know anything about themselves. The night annihilated what they built during the day. Flowers in fire, torturing visions! Withdrawal of anguished, blood-soaked wadding! A speedy fire ran my veins and knocked at my heart. MY BRAIN IS BLEEDING PIERCED BY A SURGICAL TOOL, raped and slaughtered to make me feel good!

Dans la pénombre du club, les éclairs rouges des projecteurs illuminant régulièrement sa peau, Shay se déhanchait au rythme de la musique qui pulsait dans ses oreilles comme le coeur d'un mourant s'accrochant à la vie. "I got a F and a C, and I got a K too, and the only thing that's missing is a bitch like U. What's my name, what's my name ? Ah-ah, ah-ah... Hold the S because I am an Ain't..." Progressivement, elle remontait ses mains sous le T-shirt de la jolie rousse en face d'elle. Leurs bassins étaient collés, aussi serrés que leur lèvres ne tardèrent pas à l'être. "Viens dehors ma jolie..." murmura Shay en entraînant sa proie à l'extérieur. Elles se frayèrent un chemin jusqu'à la porte de derrière, slalomant entre les corps trempés de sueur, imbibés d'alcools, imprimés les uns dans les autres. Finalement, elles atteignirent la sortie. Avec bonheur, la rousse pût de nouveau respirer décemment. Le contraste entre le chaud des corps pressés et le froid de l'air hivernal de Janvier lui avait rosi les joues, elle était irrésistible même sous la lueur tremblotante d'un lampadaire fatigué. Elle n'avait pas pu étudier le visage de celle qui lui dévorait le cou et le décolleté avec avidité. Mais elle était perturbée, car elle connaissait cette voix. Elle connaissait cette silhouette. Elle connaissait ses lèvres pour les avoir embrassées un nombre incalculable de fois, et les avoir senties sur sa peau plus souvent encore. Mais c'était impossible, elle était morte. Et pourtant. Elle était là, en chair et en os. Elle avait la même façon de se tenir, la même façon de l'embrasser, la même façon de la déshabiller lentement. Et peu à peu, la rouquine s'abandonnait au contact de la peau de celle qu'elle avait aimée, trahie, enterrée, oubliée. C'était impossible qu'il s'agisse réellement de Shay, ce devait être un sosie. C'est ce qu'elle se répéta jusqu'à ce que le plaisir prenne le relais sur toute pensée logique, jusqu'à ce qu'elle ne sente même plus la morsure du mur en pierre qui raclait son dos au rythme du va-et-vient des doigts de Shay en elle. Elle ne recouvrit ses pensées que lorsque, terrassée par son orgasme, elle entendit son amante prononcer son prénom. Prénom qu'elle ne lui avait pas donné. "Alice.." C'en était trop. Alice regarda enfin le visage de son amante, c'était elle. Aucun doute. "Shay, mais putain, d'où est-ce que tu sors?" lâcha-t-elle en se rhabillant à la va vite, tandis que Shay allumait une cigarette. "J'sais pas. J'ai oublié un grand bout. J'ai du me barrer de ton asile de fous je suppose.. je me suis retrouvée au beau milieu de la Ghost Creek. J'ai rien capté, je suis revenue là, je t'ai trouvée, je t'ai baisée. Je goûte au bon vieux temps quoi. Les... tu sais, elles ne sont pas revenues. On peut peut-être... reprendre comme avant?" Alice tremblait de tous ses membres, et le froid n'y était pour rien. Elle s'éloignait lentement de son ancienne amante décédée. "Tu.. t'es un putain de MONSTRE, Shay! Tu es morte! Tu es putain de bordel de merde de morte!" "Dis pas de conneries, Alice. Tu vois bien que je suis là, tout ce qu'il y a de plus vivante!" "Shay... je t'ai vue morte. Tu étais bel et bien morte, tu t'es suicidée! Je t'ai vue morte et je t'ai enterrée!" "Tu délires..." Alice prit son fantôme par la main et l'entraîna jusqu'au cimetière en courant, haletante, désespérée, terrifiée. "LA ! Tu vois ? C'est ta putain de tombe ! Shay Christabel Clayton, 20 septembre 1980, 7 décembre 2012! TU ES MORTE! Je sais pas ce que t'es, mais prend ça, et fous le camp de ma vie!" Alice tourna les talons et s'enfuit en pleurant. Shay ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Elle ramassa ce qu'Alice avait jeté: un dossier médical rapportant des conversations entre elle-même et un psychiatre, des informations sur son séjour à Saint-Barthélemy, des photographies de son cadavre. De ses poignets lacérés. Des lambeaux de peau et de veines serrés entre ses dents couvertes de sang. Des larmes vinrent tâcher le contnu du dossier. Elle ne pouvait croire qu'Alice l'avait conservé si près d'elle, dans son sac. En état de choc, Shay s'assit sur sa propre tombe, s'y roula et tenta de dormir. Elle se leva après une Nième nuit blanche, lorsque les premiers rayons du soleil caressèrent sa peau. Comme si de rien n'était, elle reprit son studio et son matériel qu'Alice n'avait pas eu le courage de jeter. Elle reprit son ancienne vie là où elle l'avait laissée, mais tira un trait sur Alice et les sentiments qu'elle avait eus pour elle, elle qui l'avait abandonnée dans un hopitâl psychiatrique miteux à des lieues de là, et qui l'avait encore abandonnée en fuyant précipitamment Holy Cross. Shay allait pouvoir tout reprendre à zéro. "Et puis me taper pas mal de minettes aussi. Ah, merde, j'ai plus de clopes."